Narcophony n'a pas fini de visiter les maisons hantées par la mémoire des musiciens les plus effrénés de ces trente dernières années. Après Nurse With Wound, ils se collent à l'oeuvre hallucinogène du plus phénoménal des pop combo de San Francisco : The Residents. Fort d'un effectif stabilisé autour du duo Eric Aldéa / Ivan Chiossone avec Christine Ott (collaborations avec Radiohead, Yann Tiersen ... - Ondes Martenot), François Cuilleron (ex Bästard - guitares et violons) et Hasmig Fau (violoncelle), Narcophony passe au rouleau recycleur 13 morceaux de la première heure des Residents (de 1974 à 1985), avec la même énergie débridée qui caractérisait le groupe avant-gardiste. Gagné par le ludisme qui habitait les contemporains de Kraftwerk, le groupe joue la carte du passage renversant de l'analogique à l'acoustique. Réservant la plupart des thèmes aux atemporelles Ondes Martenot (ancêtre de l'électronique), le groupe reprend les instrumentations mutines par des envolées de cordes et autres intrusions d'instruments rares. Un coup de maître incongru qui intensifie la période la plus riche des Residents.
Du mystique "Festival of Death" aux fugaces aventures de "Vileness Fats", "Narcophony play The Residents" opère un détournement de haute-voltige. Il s'empare du très condensé "Commercial Album" (1980), pour mieux en disséquer les tubes pop exacerbés d'une minute chacun, et entre au panthéon des chansons les plus tristes de la terre avec le morceau fétiche "Hello Skinny". Revisiter l'histoire de la musique américaine à travers une série était l'un des ambitieux projets des Residents arrêté en cours de route. Narcophony le ressort du haut-de-forme avec "Jambalaya" de Hank Williams, et lui fait subir une glissade acrobatique improbable. Autre projet avorté redoré par le blason de Narcophony: le fougueux "Whatever happened to Vileness Fats", BO incandescente d'un long-métrage en suspend, qui trouve ici un aboutissement inespéré.
Comme les Residents l'avaient fait avec les Beatles sur leur premier album "Meet the Residents" (1974), Narcophony joue en virtuose avec la matière première et poursuit une histoire prégnante de rebondissements, avec la même effervescence que leurs aînés du far west. Ivan Chiossone Jeune trentenaire vivant à Lyon où il a rencontré Eric Aldéa, Ivan Chiossone réalisait avec Narcophony, après des années de pratique musicale solitaire, son premier enregistrement discographique. Il est également la moitié du duo Membres (avec Pierre Citron). Eric Aldéa Après avoir traversé les années 90 à la tête de Deity Guns de 89 à 93 ("Trans-lines appointment" produit par Lee Ranaldo [Sonic Youth] en 92) puis de Bästard de 92 à 97 ("Radiant, discharged, crossed-off" produit par Andy Briant [Tortoise] en 97), Eric Aldéa joue depuis des années de l'interaction entre sons digitaux et instruments acoustiques. Il compose régulièrement , en particulier pour le chorégraphe Abou Lagra et sa compagnie La Baraka, des pièces à la limite des genres et pourtant incroyablement mélodiques, tissant des liens entre le souffle épique d'une symphonie contemporaine et les textures électroniques les plus abstraites.